1.
La vie secrète de nos jardins 🌿
Source : sciencepost.fr
Étude complète : biorxiv.org

Photographie Jessica JB – Flickr
Si vous avez un jardin – ou que vous en côtoyez un – avez-vous déjà pris le temps d’imaginer à quoi peut bien ressembler la vie de ses petits habitants ?
Si on schématise, il y a d’une part les insectes sociaux (abeilles, bourdons, fourmis, guêpes…) que l’on visualise organisés et solidaires, unis par une imparable logique de groupe. Et d’autre part, les insectes et arachnides solitaires. Territoriaux, hostiles, qu’on n’imagine pas dotés de grandes capacités cognitives, et toujours prêts à en découdre avec leurs voisins. Si ce n’est pas tout à fait faux, il semblerait cependant qu’on les ait (une fois de plus) sous-estimés.
Une petite équipe de chercheurs de l’Université de Tapei à Taïwan a étudié la socialité d’une espèce d’araignées sauteuses de la famille des salticidés, la Phidippus regius(les cousines américaines de nos salticidés locales).
Si vous ne connaissez pas encore cette espèce, voici quelques-unes de leurs caractéristiques les plus singulières :
💕Pour commencer, c’est incontestablement l’espèce d’arachnide la plus mignonne (si si, c’est possible) répertoriée. De petite taille, elles sont velues, parfois colorées et très franchement, on a est pas loin d’avoir envie de les câliner.
🥷Elles sont dotées d’une agilité sans pareille. Leur nom leur vient – sans surprise – de leur capacité à effectuer des sauts impressionnants pour chasser ou pour échapper à leurs prédateurs.
👁️En plus de leur physique attachant, les araignées sauteuses se démarquent de leurs congénères arthropodes par leur vue perçante. Leurs huit yeux les dotent d’une vision presque circulaire. Les rétines de leurs deux yeux centraux sont mobiles. Les salticidés peuvent suivre des proies du regard à distances et évaluer avec précision la distance et la direction de leurs sauts.
🕺Pour courtiser les femelles, les mâles exécutent des petits pas de danse.
💭Enfin, une étude parue en 2022, dont j’avais parlé dans l’un des premiers articles de Mondes Vivants, a suggéré leur capacité à…rêver.
C’est une espèce qui gagne à être connue et que je vous encourage à observer dans les petits coins de nature auxquels vous avez accès.
Revenons donc à nos moutons.
Les araignées sauteuses juvéniles restent auprès de leur mère un temps, avant de se disperser. Il s’agit d’une espèce solitaire.
Les chercheurs ont pourtant découvert que les araignées sauteuses étaient capables de reconnaître individuellement leurs congénères. Une disposition que l’on pensait réservée aux vertébrés dotés de gros cerveaux – tandis que les animaux solitaires à petits cerveaux échappaient à la pression évolutive de la reconnaissance individuelle (qui ne leur était a priori d’aucune utilité) pour se concentrer uniquement sur une reconnaissance au niveau de la classe (parenté, rang social ou partenaire).
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs se sont basés sur un protocole d’étude basé sur un paradigme d’habituation-déshabituation. Les petites salticidés, hébergées individuellement, étaient réunies par paires dans un lieu dédié. Lors de la première rencontre, elles manifestaient un vif intérêt l’une pour l’autre – caractérisé par un comportement d’approche mutuelle. Les sujets étaient séparés avant d’être réintroduit soit avec un nouvel individu, soit avec un individu déjà rencontré.
Inéluctablement, les araignées sauteuses manifestaient un grand intérêt pour les nouveaux individus et un intérêt très moindre pour ceux déjà rencontrés (déjà-vu), préférant continuer à vaquer à leurs occupations d’arachnide.
Ces résultats suggèrent que Phiddipus regius est capable de reconnaître ses congénères sur la base d’une mémoire sociale à long terme.
🪲 Et cette découverte n’est pas anodine dans le monde déprisé des insectes, puisqu’elle remet en question notre perception des espèces dites solitaires. Ces animaux que l’on pensait dotés de capacités cognitives « simples » pourraient en réalité développer des mécanismes d’interactions sociales sophistiquées.
Alors, on n’est pas encore tout à fait dans une histoire de Béatrix Potter version arachnide, mais ça pimente un peu la vie de nos jardins, non ?
2.
Et la lumière fût 🌌
Source : futura-sciences.com
Étude complète : royalsocietypublishing.org

Tim Laman et Edwin Scholes. Delachaux et Niestlé, 2014
On peut passer plus d’un siècle à étudier une espèce, sous toutes les coutures et par tous les temps, penser la connaître par cœur, et un beau jour… coup de théâtre ! Découvrir qu’elle émet de la lumière.
Si je vous assure, c’est possible. C’est arrivé il y a tout juste deux mois au Musée américain d’histoire naturelle de New-York.
Une équipe de chercheurs, ayant accès à la collection ornithologique du musée, a eu l’idée aussi saugrenue que lumineuse (!) de vérifier si les emblématiques oiseaux du paradis (Paradisaeidae) étaient fluorescents (après tout, pourquoi pas). Et bingo ! Trente-sept des quarante-cinq espèces de Paradisiers exposées à une lumière bleue se sont révélées dotées de mécanismes de biofluorescences. (Ce que l’histoire ne nous dit pas, c’est combien d’espèces ont-ils passées sous lumière bleue avant de faire cette découverte).
La biofluorescence c’est le phénomène qui survient lorsqu’un organisme absorbe des longueurs d’onde de lumière dite “à haute énergie” (ultraviolette, bleue) pour la restituer à des fréquences plus basses (généralement en jaune, vert ou bleu clair), ici à l’aide de molécules particulières appelées fluorophores. C’est le principe des petites étoiles collées avec de la pâte à fixe au plafond de votre chambre d’adolescent ⭐.
C’est un phénomène fabuleux, mais somme toute relativement répandu dans le règne animal, et particulièrement dans les fonds marins. Mais on la retrouve également chez des animaux terrestres, comme chez certaines espèces de lièvres, chouettes, écureuils ou chez les ornithorynques.
Et la liste ne s’arrêtera sûrement pas là, puisque les lampes à ultraviolets ont récemment quitté les soirées discos pour devenir le jouet préféré des écologues, qui arpentent désormais de nuit, forêts, déserts et autres campagnes en quête de faune sauvage luminescente.
Note pour votre prochain contrôle de SVT : la biofluorescence ne doit pas être confondue avec la bioluminescence qui correspond à la production active de lumière par un être vivant, par une réaction chimique qui convertie l’énergie en lumière. Ce que font merveilleusement bien les lucioles ou les vers luisants.
Ce phénomène permettrait d’augmenter l’intensité du plumage des oiseaux du paradis (déjà pas mal tape-à-l’œil) en leur permettant de se démarquer dans leur environnement monochromatique qu’est la forêt tropicale. L’étude suggère que cette capacité pourrait jouer un rôle clé pour la communication et la reproduction de ces espèces.
Les zones concernées par la biofluorescence chez les oiseaux du paradis mâles correspondent à celles mises en valeurs pendant la parade nuptiale (intérieur du bec, pattes, plumes sur la tête, cou et ventre) – elle permettrait donc de renforcer la flamboyance de ces célibataires chatoyants. Du côté des femelles, les motifs et l’emplacement du plumage biofluorescent (plus discret et limité à la poitrine et à l’abdomen) correspondraient davantage à du camouflage.
Nous en avons parlé dans la dernière édition de cette newsletter, les oiseaux ont une vision bien différente de la nôtre. Ils sont tétrachromates (encore un bien joli mot pour un scrabble) c’est-à-dire qu’ils disposent de 4 photorécepteurs (rouge, vert et bleu – qui correspondent à la vision humaine – et un quatrième qui leur permet de percevoir le spectre ultraviolet).
Ils sont donc capables de voir des couleurs que nous ne pouvons même pas concevoir. Se représenter à quoi pourrait bien ressembler un champ de fleurs pour un oiseau est un défi pour l’imagination : probablement un monde vibrant, inondé de teintes éclatantes et orné de motifs cachés🪻🌸🌺🌷🌻🌼 !
L’étude des mondes animaux a le don de nous rappeler que la réalité ne se réduit pas aux apparences. Qu’il existe des couleurs insoupçonnées et de la lumière là où nous ne voyons que l’obscurité.
Ainsi certains oiseaux, que l’on pensait familiers, brillaient en fait tout ce temps en secret.