Newsletter #13

Envolées sauvages 🪶

Vous n’avez a priori pas besoin de moi pour le constater : c’est le printemps. 

Les jours s’allongent, les fleurs pointent le bout de leur nez, le soleil aussi (parfois). 

Et surtout, ils sont de retour. Hirondelle, coucou gris, grive musicienne, rossignol, bergeronnette grise, faucon crécelle, pouillot véloce… Les oiseaux migrateurs reviennent tour à tour, depuis la fin du mois de février, peupler nos jardins et habiller nos campagnes de leurs chants enjoués. 

Histoire éternelle

Ils nous avaient salué discrètement à l’automne pour mettre les voiles vers leurs zones d’hivernage, situées dans des contrées méridionales. 

Avec le retour des beaux jours, ils entreprennent le voyage inverse vers leurs lieux de reproduction.   

D’ailleurs, l’appel de la volée semble irrépressible. Nos voisins allemands ont inventé un mot pour qualifier le comportement particulier qui gagne les oiseaux migrateurs avant le grand départ : la zugunruhe (ou « anxiété migratoire »)Même enfermés dans une pièce sombre (ce qui n’est pas hyper sympa), les oiseaux manifestent une véritable agitation à l’approche des périodes de migrations. Plus impressionnant encore, ils semblent instinctivement savoir vers quelle direction se diriger. 

Marathoniens à plumes 

Chaque année, ils sont des centaines de millions à emprunter les routes aériennes. De l’hirondelle à la cigogne, les profils sont variés. N’allez pas croire qu’ils s’envolent tout bonnement un bon matin le cœur léger. Un long voyage, ça se prépare. Alors pour affronter ces vols marathons, chacun y va de sa combine, issue de la stratégie évolutive de son espèce. 

Voici quelques exemples des performances physiques de nos athlètes : 

  • Certaines espèces comme le merle (partiellement migrateur) se mettent en mode « économie d’énergie » quelques semaines avant le départ, en ralentissant leur rythme cardiaque et en abaissant leur énergie corporelle pendant la nuit.
  • D’autres optimisent leur système métabolique pour éviter la déshydratation.

Une fois en vol, aussi, les techniques sont variées : 

  • Ils sont nombreux à utiliser le vol battu (en battant des ailes), qui leur permet de voyager quelle que soit la météo, mais qui est très couteux en énergie.
  • Le vol à voile est utilisé par les planeurs (rapaces, cigognes), qui exploitent les courants d’air chauds pour s’élever sans effort et se laisser glisser jusqu’à l’ascendant thermique suivant. Il y a toutefois un piège : cette technique ne fonctionne que sur la terre ferme. Au-dessus des étendues d’eau, les oiseaux doivent pratiquer le vol battu (bien plus fatiguant). Ils empruntent donc des points de passage plus étroits, comme le détroit de Gibraltar pour gagner l’Afrique.
  • Les grands oiseaux de mer (albatros, puffins, pétrels…) utilisent le vol de pente, qui consiste à profiter des masses d’air déplacées par le mouvement des vagues : une pratique du surf sans se mouiller, en somme.  🏄
  • Et on a tous déjà aperçu au moins une fois, le fameux vol en V (pratiqués notamment par les oies, les grues, les cormorans ou les canards), qui permet aux oiseaux situés derrière de profiter de l’aspiration de l’oiseau de tête pour économiser de l’énergie (c’est le même principe que sur le Tour de France).

De nombreuses espèces vont profiter de la migration nocturne qui, à défaut du panorama, leur assure des conditions aérologiques souvent favorables et une prédation limitée. 

Tiens, mais d’ailleurs, de jour comme de nuit, comment nos oiseaux parviennent-ils à se diriger ? 

Le compas dans l’œil 

Comme le voyage est déjà risqué niveau survie, nos volatiles n’ont pas tellement intérêt à se perdre. Et garder un cap sur des centaines, voire des milliers, de kilomètres, c’est une véritable prouesse. La recherche perce peu à peu les secrets de l’orientation aviaire : 

🗺️ Cartographie : Pour se guider, les oiseaux peuvent s’aider de repères visuels au sol (montagnes, rivières, littoraux…) mais également de repères olfactifs (oui oui, ils ont bien de l’odorat). 

☀️🌙 Position des astres : Les oiseaux peuvent ajuster leur direction de vol en fonction de la position du soleil selon l’heure de la journée (ce qui implique qu’ils sont tout à fait capables de déterminer le moment de la journée). Les voyageurs nocturnes se fient quant à eux à la position de la lune et des constellations stellaires. Plusieurs expériences réalisées en planétarium attestent de cette découverte. 

Comment font-ils lorsque le ciel est couvert et la visibilité mauvaise ? 🌫️

Et bien, c’est là que ça se joue (restez avec moi, c’est un poil technique, mais fantastique) : 

🌍 Le champ magnétique terrestre : Le centre de la Terre est une boule de métal en fusion qui transforme la planète en véritable aimant. Son champ magnétique fait émerger des lignes du pôle Sud vers le pôle Nord. Nous l’exploitons à l’aide de boussoles depuis près d’un millénaire. Certains animaux, comme nos oiseaux migrateurs, l’utilisent depuis des millions d’années. C’est ce que l’on appelle la magnétoréception.

Cela fait des dizaines d’années que les chercheurs s’arrachent les cheveux pour la comprendre. Ce sens, très éloigné de tout ce que nous connaissons, nous est particulièrement difficile à appréhender. Pour pouvoir l’étudier, il faut des compétences en biologie, en éthologie et en physique quantique, ainsi que des instruments dernier cri onéreux : ce n’est pas à la portée du premier venu. 

À ce jour, il est encore difficile de connaître avec certitude les organes sensoriels qui détecteraient les champs magnétiques, ni le fonctionnement exact de la magnétoréception. Mais des théories émergent. L’une d’elle est particulièrement en vogue parmi la communauté scientifique :

 Les oiseaux auraient l’extraordinaire capacité de percevoir les champs magnétiques terrestres

👁️ En effet, des chercheurs ont identifié des photorécepteurs spécifiques dans la rétine des oiseaux. En pénétrant dans l’œil, la lumière activerait une molécule, appelée cryptochrome, sensible aux variations du champ magnétique terrestre. Ce phénomène pourrait permettre aux oiseaux de voir littéralement les lignes du champ magnétique, peut être sous la forme d’un signal visuel subtil qui se superposerait à leur champ visuel normal.

Ce compas magnétique semble être la référence utilisée pour calibrer les autres modes de navigation. Car, pour mener à bien leurs périples, les oiseaux utilisent l’ensemble de ces mécanismes d’orientation de façon complémentaire, ce qui constitue un système de navigation multimodal extrêmement sophistiqué. 


Devinez cependant qui perturbe encore et toujours les migrations aviaires ?
Pollution lumineuse, lignes électriques, éoliennes, trafic aérien, pesticides, modification des habitats… L’humain évidemment.

Ça tombe bien, ils sont de retour.