Newsletter #19

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ÂĄHola a todos!

 Je m’excuse pour ce long silence estival, mais je reviens avec une bonne excuse et plein d’histoires dans ma musette. Je suis allĂ©e faire un petit tour du cĂŽtĂ© de l’hĂ©misphĂšre sud, en Uruguay : un petit pays, discret, mais enchanteur, d’AmĂ©rique latine. 

Se retrouver dans l’hĂ©misphĂšre sud quand on est un.e europĂ©en.ne pur.e souche, qui n’a jamais quittĂ© sa moitiĂ© du globe, c’est comme dĂ©bloquer un nouveau monde dans PokĂ©mon : on dĂ©couvre une myriade de nouvelles espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales et on se rĂ©veille au son de chants d’oiseaux inconnus et colorĂ©s. 

Vous n’imaginez pas l’excitation de la naturaliste aspirante que je suis : jumelles en mains du soir au matin !

 Entre pampa et ocĂ©an, l’Uruguay abrite une faune luxuriante. Laissez-moi vous emmener du cĂŽtĂ© des dunes balayĂ©es par le vent, oĂč l’Atlantique propose un spectacle aussi drĂŽle que fascinant.

PinnipĂšdes : des enquĂȘteurs au poil 🩭

Nous avons eu la chance de visiter Cabo Polonio : un petit village cĂŽtier aux allures de bout du monde, quasiment dĂ©sertique au mois d’aoĂ»t, nichĂ© au creux de dunes de sables au cƓur d’une rĂ©serve naturelle. On y accĂšde en empruntant de gros camions militaires reconditionnĂ©s qui vous secouent comme un prunier pendant une bonne vingtaine de minute. 

Mais le jeu en vaut la chandelle puisque ce petit hameau abrite l’une des plus grandes colonies de
 


de quoi d’ailleurs ? De phoques ? D’otaries ? 

Bigre, mais c’est vrai ça : 

sommes-nous bien capables de distinguer les phoques des otaries ? 

Pas. Toujours. 

Alors pour nous aider Ă  sortir de l’ignorance, la gĂ©nialissime ClĂ©o Cardoso m’a prĂȘtĂ© main forte et pinceaux pour illustrer leurs diffĂ©rences et nous permettre de les identifier en un clin d’Ɠil 👇

C’est bon, nous sommes tous incollables sur le sujet ? 
Parfait. 

Leurs petites oreilles les trahissent
, il s’agit bien d’otaries. 
Otaries Ă  fourrure australe, otaries Ă  criniĂšre, otaries Ă  fourrure subantarctique et Ă©lĂ©phants de mer se dorent la pilule de concert sous le phare de Cabo Polonio ⛱.

Phoques, otaries, lions de mer, Ă©lĂ©phants de mer
ce sont tous des pinnipĂšdes, ce qui signifie littĂ©ralement « pieds en forme de nageoires Â» đŸŠ¶. 

Les 33 espĂšces rĂ©unies dans cette famille sont les seuls mammifĂšres marins qui se nourrissent dans l’eau et se reproduisent sur la terre.

Les observer, c’est trĂšs rigolo. De temps Ă  autre, un individu se roule pĂ©niblement vers le bord d’un rocher pour se laisser tomber dans l’eau avec grĂące (non). Comme ma sƓur l’a Ă©lĂ©gamment formulĂ© : « on dirait des sacs de couchages remplis de boue Â».

Mais derriĂšre leurs physiques parfois jugĂ©s disgra(s)cieux, l’évolution les a dotĂ© d’un sens Ă  la limite du merveilleux ✹. 

Pour se nourrir, ces carnivores s’aventurent dans les fonds marins (entre 30 et 2400 (!) mĂštres de profondeur selon les espĂšces) pour chasser. Il y fait sombre, voire carrĂ©ment noir, ce qui limite drastiquement leur vision (sauf lorsque les proies Ă©mettent de la bioluminescence💡). Si leurs grands yeux leur permettent de capter un maximum de lumiĂšre, ce n’est pas toujours suffisant.

En les observant d’assez prĂšs (je ne vous le recommande pas), vous remarquerez que les pinnipĂšdes sont dotĂ©s d’une belle paire de moustaches et de longs poils faciaux : leurs vibrisses.

Elles leur servent Ă  diffĂ©rencier les formes et les textures, ou encore, Ă  Ă©viter les obstacles. 
Des sortes de
 doigts de visages, finalement ✌. 

Mais, tenez-vous bien, ce n’est pas tout. 

Lorsqu’un poisson nage, il gĂ©nĂšre dans son sillage des sortes de micro-turbulences en forme de donut qui perdurent aprĂšs son passage (un peu comme le sillage gĂ©nĂ©rĂ© par un bateau) : des anneaux de vortex. 

Les vibrisses ultrasensibles des pinnipĂšdes sont capables de dĂ©tecter et de localiser avec prĂ©cision l’origine des anneaux de vortex, leur permettant ainsi de traquer leurs proies sans utiliser leurs yeux ni leurs oreilles. 

Pour vĂ©rifier cette extraordinaire capacitĂ©, deux phoques nĂ©s en captivitĂ© se sont prĂȘtĂ©s Ă  un exercice original. Une Ă©quipe de chercheurs allemands leur a bandĂ© les yeux et les a Ă©quipĂ©s d’un casque audio diffusant du bruit en continu, afin de les isoler totalement du monde extĂ©rieur. Les chercheurs ont ensuite recréé artificiellement des anneaux de vortex. Les rĂ©sultats sont sans appel : les phoques ont su dĂ©terminer avec exactitude la provenance des sillages artificiels. 

🐡 🐠🐟 Mieux encore, la forme et l’amplitude de ces micro-perturbations varient en fonction de l’espĂšce du poisson, de sa morphologie et de sa façon de se mouvoir : crĂ©ant ainsi une sorte de signature hydrodynamique qui raconterait Ă  nos prĂ©dateurs des grands fonds le menu de leur prochain frichti. De quoi leur mettre l’eau Ă  la bouche (lol) (parce qu’ils sont dans la mer) (bref).

Des chercheurs du Centre des sciences marines de l’UniversitĂ© de Rostock (Danemark) ont dĂ©montrĂ© que, dans une eau calme, les phoques seraient capables de percevoir ces sillages jusqu’à 35 secondes aprĂšs le passage du poisson. On peut imaginer que, si les phoques Ă©taient les chiens des ocĂ©ans, les anneaux de vortex seraient l’équivalent
 d’une piste olfactive ? 

 Dur, dur pour les poissons. 

Ceux qui misent sur le camouflage n’ont pas forcĂ©ment beaucoup plus de chances. La stratĂ©gie du poisson plat – s’enfouir dans le sable et rester immobile jusqu’à ce que le danger passe – ne lui permet pas d’échapper aux redoutables pinnipĂšdes, qui sont (tenez-vous bien) capables de dĂ©tecter les infimes tourbillons produits par ses branchies lorsqu’il “respire”.  

Les pinnipĂšdes auraient ainsi la facultĂ© d’exploiter, Ă  l’aide de leurs vibrisses, leur sens du toucher d’une maniĂšre extrĂȘmement sophistiquĂ©e : les hissant parmi les chasseurs les plus performants de l’ocĂ©an.

Pas mal pour des sacs de couchages remplis de boue, non ? 

Sources :