Newsletter #16

đŸ•°ïž Temps de lecture : 8 minutes 

Ils ont des nez pointus ou carrĂ©ment Ă©crasĂ©s, des visages bouffis, des bouches en ventouses, des yeux globuleux, des moustaches, des lĂšvres charnues ou de trĂšs grandes dents. 

Ils semblent voler
 sans jamais tomber. TantĂŽt jolis, tantĂŽt effrayants, et toujours Ă©minemment bizarroĂŻdes
 


Ce sont, ce sont, ce sont


Les poissons, Ă©videmment. 

Alors les poissons, parlons-en. À toute heure et en toute occasion. 

🌊 On part sur une minisĂ©rie estivale rafraĂźchissante ?

Les poissons. 

Qui sont-ils ?  

Ce sont des vertĂ©brĂ©s (des animaux avec un squelette osseux et une colonne vertĂ©brale – tout comme vous et moi) qui ont Ă©voluĂ© pour vivre sous l’eau – dans les ocĂ©ans, les lacs ou les riviĂšres. 

(Si vous voulez briller en sociĂ©tĂ© – notez que du point de vue strict de la zoologie, le mot « poisson Â» n’est pas adaptĂ©. Il rĂ©unit beaucoup d’animaux ayant un physique similaire, mais ce groupe d’animaux ne forme pas un clade (c’est-Ă -dire la rĂ©union d’un ancĂȘtre et de l’ensemble de ses descendants). Le mot « poisson Â» est plus culinaire que scientifique – ce qui donne le thon).  

Bref, les poissons sont des cousins trĂšs (trĂšs) Ă©loignĂ©s (nous partageons d’ailleurs toujours avec eux le nerf phrĂ©nique
 responsable du hoquet !), complĂštement fabuleux.

DĂ©jĂ  parce qu’ils respirent… de l’eau
De l’eau ! GrĂące Ă  leurs branchies, des organes respiratoires internes ou externes, les poissons sont capables d’absorber l’oxygĂšne prĂ©sent dans l’eau et de le diffuser dans leur sang. 

Ensuite, parce qu’ils se dĂ©placent en trois dimensions
En avant, en arriĂšre, de cĂŽtĂ©s, en haut, en bas
 Ă  l’infini (tant qu’ils restent dans leur Ă©lĂ©ment, ça va de soi). Notre mode de dĂ©placement parfaitement linĂ©aire nous semble soudainement bien
 plat. Et franchement un poil dĂ©cevant. 

Mais on n’y pense pas assez. 
En prĂ©parant cet article, je me suis rendu compte d’une chose : 

On ne pense pas assez aux poissons. 

Et il y a une raison : si vous n’avez pas la chance de vivre aux Antilles ou Ă  Saint-BarthĂ©lemy et de faire de la plongĂ©e tous les matins, vous ne croisez a priori pas de poissons dans votre quotidien. En mĂȘme temps, c’est tout Ă  fait normal, puisqu’ils ne vivent pas dans la mĂȘme biosphĂšre que nous. Ils sont hors de notre vue, et donc hors de notre esprit (ne dit-on pas « loin des yeux, loin du cƓur Â» ?). 

Du coup, on aime bien se raconter qu’on ne manque pas grand-chose parce qu’ils rĂ©agissent principalement Ă  l’instinct, qu’ils ne vocalisent pas, qu’ils n’ont pas d’expressions faciales – et donc aucune Ă©motion – que, par-dessus le marchĂ©, ils sont amnĂ©siques et, en dĂ©finitive, pas trĂšs fĂ»t-fĂ»t. 

Car derriĂšre cette petite duck face Ă  Ă©cailles se cache un sens des affaires redoutable
 

đŸ€żđŸȘž Alors, enfilez palmes et tuba et direction les rĂ©cifs coralliens pour un cours magistral en marketing relationnel. 

BUSINESS CLASS SUBAQUATIQUE đŸ«§Â : stratĂ©gie de fidĂ©lisation du labre nettoyeur

Le labre nettoyeur est un petit poisson sĂ©dentaire reconnaissable Ă  une large bande noire barrant toute la longueur de son corps. 

Il est fidĂšle Ă  un petit bout de rĂ©cif corallien, qui lui sert de refuge, mais Ă©galement
 de lieu de travail. Car le labre ne chĂŽme pas. Il tient, Ă  plein temps, une station de nettoyage et de dĂ©parasitage. Il dĂ©barrasse le corps et les dents de ses clients des peaux mortes, tissus nĂ©crosĂ©s, larves, vers, crustacĂ©s incrustĂ©s
 dont il se rĂ©gale (miam). Le client est dĂ©barrassĂ© de ses ectoparasites et le labre profite d’un bon repas : on parle ici de mutualisme.

Dans le rĂ©cif, on se bouscule pour profiter de ses services. DĂšs le lever du jour, les premiers clients affluent. Les habituĂ©s ont appris Ă  localiser la station de nettoyage et s’y rendent quotidiennement, voire plusieurs fois par jour. Ils devront parfois prendre leur mal en patience et attendre leur tour, car le labre hiĂ©rarchise les clients. Il faut dire qu’il a la fibre commerciale. Il priorise les visiteurs de passage – de futurs potentiels habituĂ©s qu’il faut chouchouter – ainsi que les prĂ©dateurs, qui risquent de le bouloter s’ils se montrent insatisfaits de la qualitĂ© du service. 

Allez, en cadeau, rencontrez un de mes dĂ©sormais poissons prĂ©fĂ©rĂ©s – parce qu’on dirait votre grande tante grincheuse qui s’est trop maquillĂ©e pour le repas de NoĂ«l : Ogcocephalus darwini, originaire des Ăźles GalĂĄpagos, surnommĂ© “poisson chauve-souris Ă  lĂšvres rouges” 👇