1.
Loin d’être seuls dans l’isolement
Sources : courrierinternational.com
Études complètes : royalsocietypublishing.org

Photographie Ryank – Pexels
Que l’on s’entende : nous sommes tous concernés par le vieillissement. Pas un seul d’entre nous n’y échappe, c’est un processus universel (ou presque), je ne peux rien pour vous.
Certains d’entre nous finiront peut-être leurs jours dans un cabanon en lisière de forêt, loin de toute agitation sociale, à redouter la visite imprévue de voisins trop entreprenants et à chasser les enfants qui s’aventureraient trop près de leur propriété. Un scénario somme toute assez courant.
Car c’est un fait de société bien connu : nos aînés ont tendance à s’isoler à mesure qu’ils vieillissent.
Dans une collection de 16 études parues dans la revue Philosophical transactions of the royal society B : Biological Sciences, des chercheurs nous annoncent que nous sommes loin d’être la seule espèce concernée par ce phénomène.
Cette collection d’études s’intéresse à l’environnement social des individus âgés dans le règne animal : des singes aux oiseaux, en passant par les ongulés et, c’est inédit, les insectes.
Et le constat est sans appel : avec le temps, les vieux s’isolent.
Chez le moineau domestique par exemple, les individus âgés ont des cercles sociaux réduits. Selon les chercheurs, ces résultats pourraient s’expliquer par la diminution du nombre d’individus de la même tranche d’âge à mesure que la mortalité frappe la cohorte, et de l’effort qui doit être fourni pour nouer de nouvelles amitiés. Par ailleurs, pour les doyens, les contacts sociaux semblent moins avantageux que pour les plus jeunes, qui socialisent notamment pour se reproduire et gagner en expérience.
L’une des théories avancées par plusieurs de ces études est que les individus âgés chercheraient la solitude afin d’éviter les infections. Logique, finalement, puisque la réponse immunitaire tend à s’affaiblir avec l’âge. Tiens, ça vous rappelle peut-être vos grands-parents qui vous esquivent quand vous avez le nez qui coule ?
Enfin, nous apprenons que l’isolement des seniors est également un sujet de société chez la mouche à fruits. Les chercheurs constatent que les effets sociaux du vieillissement sont un phénomène général, qui s’étend jusqu’aux insectes, que nous ne considérons pourtant généralement pas comme ayant une vie sociale complexe.
Cependant, n’oublions pas que chez les espèces qui ont la chance d’avoir une longue espérance de vie (et oui ça n’est pas le cas de tout le monde, petits chanceux que nous sommes), l’expérience s’accumule avec l’âge, de sorte que les individus âgés deviennent les dépositaires de connaissances écologiques et sociales utiles à l’espèce. Pour permettre la transmission sociale de ces connaissances, il est donc nécessaire qu’ils restent, malgré tout, intégrés socialement.
L’étude des populations animales est en somme un excellent moyen d’étudier la façon dont le vieillissement façonne nos sociétés humaines.
Morale de cette histoire ? Ne jetons pas trop vite la pierre au vieux schnock qui nous invective quand on s’approche de son jardin : il ne fait que reproduire un comportement biologique généralisé. Et qui sait, il est peut-être le gardien de savoirs ancestraux dont nous aurions tout intérêt à nous inspirer.
2.
Concours d’âge canonique
Sources : geo.fr, radiofrance.fr, umontpellier.fr, nationalgeographic.fr, livescience.com
Études complètes : science.org, sciencedirect.com

Photographie andyaj85 AJ – Flickr
Tiens, en parlant d’ancêtres, j’ai bien envie de vous emmener à la rencontre d’une espèce hors du commun.
Pour cela, enfilez une combinaison étanche et suivez-moi dans les eaux glacées de l’Arctique. Dans la nuit éternelle des abysses, vous apercevrez peut-être une silhouette colossale se déplacer lentement dans les profondeurs.
C’est lui. On a de la chance, il est du genre plutôt farouche.
Il ne nous voit peut-être pas. Souvent victimes de copépodes, des parasites oculaires bioluminescents qui viennent se loger sur sa cornée, il est souvent aveugle. Mais ne vous y trompez pas, il sait que nous sommes là. Son audition et son odorat sont parfaitement fonctionnels. Mais ô, ce qu’il apprécie particulièrement, ce sont les odeurs pestilentielles.
Avec une vitesse moyenne de 0,34m par seconde, il est lent, presque apathique.
Pourtant, le requin du Groënland (Somniosus microcephalus) est l’un des plus gros requins carnivores de la planète.
C’est un charognard, néanmoins capable de capturer des proies agiles et rapides comme des phoques ou des bélugas. Comment ce grand flegmatique s’y prend-il ? Une hypothèse avancée par les chercheurs serait la chasse à l’affût. Mais personne ne l’a encore vu à l’action. Ce sélacien est encore loin d’avoir révélé tous ses mystères.
Des restes d’ours polaires, de chien, de cheval ou de renne auraient été retrouvés dans son estomac. Et, en cherchant bien, on n’est pas complètement à l’abri de tomber sur des restes de malheureux… vikings.
Car, ah oui, nous y voilà ! Le requin du Groënland est, jusqu’à preuve du contraire, le vertébré le plus vieux au monde.
En 2016, à l’aide d’une méthode de datation au carbone 14, une équipe de chercheurs danois a estimé l’âge d’un individu à près de 392 ans… Cette petite antiquité se baladait tranquillement dans le fond des océans depuis 1624, soit depuis le règne de Louis XIII.
Les scientifiques estiment que le requin du Groënland, qui a une durée de vie moyenne estimée à 272 ans, pourrait en réalité atteindre les 500 ans… voire plus.
Un palmarès qui laisserait sur le banc la baleine boréale et la tortue géante des Galápagos dont les espérances de vie se situent aux alentours de 200 ans.
Mais quel est donc le secret de cette longévité ? Peut-être influencé par son milieu de vie pour le moins réfrigérant, le requin du Groënland, qui peut mesurer jusqu’à 6 m de long, connaît une croissance particulièrement leeeeeente (1 cm par an en moyenne). Pour atteindre la maturité sexuelle, un individu devra patienter plus d’un siècle (on leur souhaite d’être de nature patiente).
Les scientifiques soupçonnent aussi ce poisson de posséder un ADN capable de s’autoréparer, ce qui ralentirait le processus de vieillissement. Une disposition unique toujours en cours d’étude, dans l’attente fébrile de tout un pan vieillissant d’Hollywood.
Mais hors catégorie vertébrés, le requin du Groënland dégringole promptement du podium.
Selon les dernières trouvailles, la palourde des mers (Arctia islandica) pourrait vivre jusqu’à 500 ans, le corail noir pas moins de 4 265 ans et l’éponge de mer (Monoraphis chuni) pourrait atteindre l’âge vénérable de 11 000 ans (la ville de Bikini Bottom n’est pas près de se débarrasser du plus enjoué de ses résidents).
Mais attendez, ça n’est même pas le plus fou. L’hydre (hydras vulgaris), un petit invertébré translucide, est capable de se régénérer en continu. Les scientifiques ne lui connaissent aucune détérioration due à l’âge. Enfin, la méduse Turritopsis dohrnii fait tout simplement le choix de ne pas mourir, en rajeunissant à l’infini. Dès que le grand âge se fait sentir, ni une ni deux, elle retourne à sa forme de polype (soit sa forme de bébé), et recommence sa vie à zéro. Et ce cycle est in-fi-ni. Dans la mesure où elle ne se fait pas bouloter, elle est donc immortelle et plie conséquemment le game de la longévité.
Comme quoi, il faut croire que l’eau de mer, ça conserve.

Photographie Sarah Broadwell – Flickr