Newsletter #11

1.

RIDERS ON THE STORM đŸŒ©
Les chauves-souris surfent sur les tempĂȘtes

Les oiseaux sont les vedettes incontestĂ©es des migrations aĂ©riennes. 

Mais, plus loin de nos radars, d’autres espĂšces d’animaux volants sont Ă©galement des adeptes du voyage sur de longues distances. 

Certaines espĂšces de chauves-souris sont connues pour migrer sur des milliers de kilomĂštres Ă  travers l’AmĂ©rique du Nord, l’Europe ou l’Afrique. C’est notamment le cas des Noctules communes (Nyctalus noctula), une espĂšce de chauve-souris aux grandes oreilles, largement rĂ©pandue en Europe. Ces petits mammifĂšres peuvent voyager sur de grandes distances vers des destinations mĂ©ridionales quand s’installe la saison froide, parfois sur quelque 1100 km ! (Si vous n’ĂȘtes pas Ă©poustouflĂ©s par ce chiffre, figurez-vous que nous parlons ici d’un animal d’une dizaine de centimĂštres et d’une trentaine de grammes – soudainement, ça en jette un peu plus). 

Mais, pourquoi n’entendons-nous jamais parler de ces migrations ?
Ce comportement, dĂ©jĂ  rare, est particuliĂšrement difficile Ă  observer. Car oui, vous l’avez peut-ĂȘtre devinĂ©, la chauve-souris est un animal nocturne qui se dĂ©place une fois la nuit tombĂ©e. C’est en partie la raison pour laquelle, jusqu’à rĂ©cemment, la migration des chauves-souris restait assez peu Ă©tudiĂ©e. 

Mais c’était sans compter l’arrivĂ©e de la technologie au service de la science. 
GrĂące Ă  des balises IoT (Internet des Objets) ultralĂ©gĂšres, une Ă©quipe de scientifiques de l’institut Max-Planck en Allemagne a pu Ă©tudier les migrations printaniĂšres de 71 noctules communes Ă  travers le continent europĂ©en. La minuscule balise, posĂ©e sur le dos de l’animal, se compose de capteurs qui transmettent des donnĂ©es prĂ©cises (localisation, niveau d’activitĂ©, tempĂ©rature de l’air ambiant
) aux chercheurs. 

Et, restez avec moi, car les dĂ©couvertes faites grĂące Ă  l’épluchage de ces donnĂ©es valent le dĂ©tour. Les scientifiques ont pu constater, d’une part, que ces petits mammifĂšres Ă©taient capables de parcourir pas moins de 400 km en une nuit (souvenez-vous du ratio taille/distance, ça fait beaucoup). 

Contrairement aux oiseaux migrateurs qui prĂ©parent soigneusement leur migration en prenant du poids, les chauves-souris, elles, se ravitaillent en chemin. Un colĂ©optĂšre par-ci, un papillon de nuit par lĂ  : leurs dĂ©placements se font en zigzaguant plutĂŽt qu’en ligne droite. 

Mais les donnĂ©es ont Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© un fait Ă©tonnant : une explosion du nombre de dĂ©parts simultanĂ©s certaines nuits.

Diable, qu’est-ce qui provoque ce comportement ? se sont demandĂ© les chercheurs.  La mĂ©tĂ©o, ont rĂ©pondu les donnĂ©es. 

Les chauves-souris ont tendance Ă  mettre les voiles avant l’arrivĂ©e d’une tempĂȘte, lorsque la pression atmosphĂ©rique diminue et que la tempĂ©rature augmente. Les donnĂ©es relatives Ă  leur niveau d’activitĂ© ont ainsi rĂ©vĂ©lĂ© qu’elles utilisaient moins d’énergie pour voyager lorsqu’elles s’appuyaient sur des vents arriĂšre chauds. 

En rĂ©sumĂ©, nos petites noctambules surfent sur les tempĂȘtes pour alimenter leurs vols continentaux (un concept plutĂŽt badass).

Pour les chercheurs, ces informations, pourraient Ă  terme ouvrir la voie Ă  un systĂšme de prĂ©vision des migrations, pour aider les chauves-souris Ă  Ă©viter les dangers liĂ©s aux infrastructures humaines, comme les Ă©oliennes, en adaptant leur fonctionnement aux pĂ©riodes de passage. Ce qui constituerait un bel exemple de l’utilisation de l’éthologie au service d’une meilleure cohabitation inter-espĂšces. 

2.

Les chats préfÚrent leurs haters

Vous voyez, ce moment oĂč, lors d’une soirĂ©e chez vous, votre chat vient se lover sur les genoux de l’invitĂ© qui avait indiquĂ© entre ses dents au moment d’arriver « ah
 vous avez un chat
bon, tant qu’il ne m’approche pas trop, ça va  » ? 

Apparemment insensible au malaise qu’il provoque, le chat en question se prĂ©lasse en toute quiĂ©tude au plus prĂšs de son dĂ©tracteur. 

Et lĂ , vous vous dites « c’est curieux, d’habitude, il n’est pas aussi social ». 

Comme souvent, la science a une rĂ©ponse Ă  nous apporter. 

Commençons par nous rappeler que nos pauvres minets sont bien souvent victimes de prĂ©jugĂ©s : ils portent malheur, prĂ©fĂšrent la solitude et ils adoooorent nous manipuler 🐈‍⬛. 

En rĂ©alitĂ©, ces croyances coriaces sont surtout issues d’une large mĂ©connaissance des comportements fĂ©lins (pourtant si nombreux dans nos foyers).  

Les chats sont bien connus pour ĂȘtre des chasseurs, mais beaucoup moins pour ĂȘtre
 des proies. Dans la nature, nos petits athlĂštes Ă  poils n’en mĂšnent pas large face aux renards, rapaces et autres martres qui les inscrivent volontiers Ă  leur menu du jour. 

Le comportement du chat, parfois Ă©nigmatique, dĂ©coule en rĂ©alitĂ© de cette dichotomie. Pour ĂȘtre en mesure de se mettre quelque chose sous la dent (chasser) sans y laisser leur peau (se faire chasser), les chats sont particuliĂšrement sensibles Ă  leur environnement et aux individus qui les entourent. 

Si vous aimez les chats, il est fort Ă  parier que lorsque vous en croisez un, vous ayez envie d’interagir avec lui : lui parler, le caresser, le porter. Ils sont mignons, ils sont doux, il est difficile de les ignorer, j’en conviens. 

Pourtant, un comportement direct peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© par l’animal comme une tentative d’agression, ce qui peut les inciter Ă  se mĂ©fier des personnes trop engageantes.

Contrairement aux chiens, qui ont tendance Ă  chercher des interactions sociales actives avec les humains, la nature des chats fait qu’ils ont besoin de davantage d’espace et de contrĂŽle sur leurs interactions, dont ils apprĂ©cient Ă©tablir eux-mĂȘmes les termes. 

 Plusieurs Ă©tudes indiquent ainsi que les chats sont moins stressĂ©s et montrent davantage de comportement d’exploration lorsqu’ils se trouvent dans un environnement dans lequel ils sont libres de choisir leurs interactions sociales (libres de choisir quand elles commencent, comment elles se dĂ©roulent et quand elles se terminent – une petite tendance control freak qu’on leur pardonne volontiers). 

Revenons donc Ă  votre invitĂ© envahit. Son comportement passif et dĂ©sintĂ©ressĂ© peut avoir tendance Ă  apaiser votre chat, qui se sent libre d’explorer Ă  son propre rythme sans se sentir menacĂ©. (Et hop, on frĂŽle l’incident diplomatique inter-espĂšces). 

Si, comme moi, vous aimez les chats, vous pouvez retenir une chose de cet article : cessons de les agresser avec notre affection. Laissons-leur le loisir de dĂ©finir les modalitĂ©s de nos interactions, en adoptant un comportement moins engageant. 

Et si vous n’aimez pas les chats, vous leur ressemblez sĂ»rement plus que vous ne le pensez. 

Zoom sur
 🔬

Je vous propose de rester encore un instant dans le royaume des chats pour nous intĂ©resser cette fois à
 leur façon de voir le monde. 
👁

L’artiste amĂ©ricain Nickolay Lamm, en consultation avec des vĂ©tĂ©rinaires spĂ©cialisĂ©s en ophtalmologie, a tentĂ© de reprĂ©senter les diffĂ©rences existantes entre la vision humaine et la vision fĂ©line. 

S’il ne s’agit que d’une reprĂ©sentation artistique (Ă  ce jour aucun chat n’a Ă©tĂ© en mesure de confirmer son exactitude), celle-ci se veut au plus prĂšs des connaissances scientifiques actuelles.  Elle permet de nous aider Ă  nous plonger dans l’univers sensoriel du chat et de mettre le doigt sur les dissemblances entre nos mondes visuels respectifs

En voici un rapide rĂ©sumĂ© :

  • đŸ›€ Les chats bĂ©nĂ©ficient d’un champ de vision plus large que le nĂŽtre (leur vue pĂ©riphĂ©rique est de 260°, contre 180° pour les humains).
     
  • đŸŸĄđŸ”” Ils ont une vision dichromatique (basĂ©e sur deux rĂ©cepteurs, le bleu et le jaune) : en consĂ©quence, les couleurs perçues par le chat sont moins intenses et moins prononcĂ©s que celles que nous percevons.
     
  • 👓 Nos amis fĂ©lins sont plutĂŽt myopes : ils ont une mauvaise vision de loin.
     
  • 🐁 En revanche, ils sont excellents pour percevoir les objets en mouvement, grĂące Ă  une rĂ©tine qui enregistre les images trĂšs rapidement.
     
  • 🌙 Et, vous le savez sĂ»rement dĂ©jĂ , c’est un animal nyctalope qui voit 5 Ă  8 fois mieux que l’homme dans la pĂ©nombre.Â